Pour les premières restaurations à Assa, une démarche archéologique de restitution a été choisie. Nous avons commencé par le Borj Ihchach. Cette tour de défense du Ksar est placée sur le sommet du piton, elle semble être née de la roche. Nous avons voulu choisir un symbole fort, celui de la cohésion du groupe, pour commencer les premiers travaux. Maintenant que la tour se voit de loin, depuis la ville nouvelle, avec le prolongement par les murailles, chaque habitant d'Assa exprime sa fierté. On en oublie presque que nous sommes partis de presque rien.
La tour Ihchach étant démolie depuis une période relativement ancienne, nous n’avions en effet aucune image pour nous servir de référence à cette tour démontée, ruinée dont il ne restait plus que la base et un amas informe de terre, le pisé des superstructures s'était effondré et avait rempli la tour. Faute de photos d’archives, nous nous sommes appuyés sur le bâti existant, notamment deux exemples de tours encore en relatif bon état, et les ruines trouvées sous la tour effondrée ; l’interprétation des maigres désordres apparents, de même que le tracé ou l’implantation ancienne qui ont été révèlées par les fouilles, nous ont permis d’élaborer, petit à petit, quelques hypothèses. Faute de description puisque les hommes âgés ne se souvenaient pas à quoi elle ressemblait jadis (de mémoire d’homme, la tour aurait toujours été ainsi en partie effondrée, quoi qu’à un niveau de plus). Les souvenirs restaient flous. La restitution semblait difficile. Deux doyens Cheikh Tayeb Lassaoui et Hussein Ihchach Afqir sont venus assister à son édification, ils ont accompagné les maalmines et ont transmis certaines données.
Pourtant une véritable perte des savoir-faire s’est révélée. Il a fallu, entre chaque visite de chantier entre le le 26 février et le 15 avril, reprendre la construction, la démonter trois fois, et repartir pour mieux ajuster et atteindre la simulation que nous voulions. Les procédés anciens sont difficiles à retrouver pour les maalmines, les essais se multiplient avant de comprendre qu’il faut davantage regarder pour bien construire. Le pan de mur, sur un angle, sert de référence. Le chantier est une école, les maalmines s'exercent à faire comme les anciens, le maalem Ba Moh améliore sa technique de semaine en semaine. Il faut exiger beaucoup : sans les pierres de grande taille, on ne pourra monter très haut, les hommes s’y prennent à cinq, à six pour déplacer et surtout hisser les blocs. Le plus délicat reste de monter le pisé sur la base en pierre. Le mur est monté de moellons ébauchés d’assez grande dimension pour les fondations et les murs de soutènement. Tous les angles sont harpés et la pierre est traversante dès que possible. Ensuite, les pierres sont taillées ou ébauchées à des dimensions plus réduites et moins régulières. Le retrait de parement à chaque niveau supérieur est induit par ce mode constructif. Le mortier de terre sert de liant, l’érosion a effacé les joints.
Comme le montrent les images donnant ici quatre étapes, la structure en pierre et des fondations peu profondes ont été dégagées, ainsi que les traces d’une porte, d’un escalier et des morceaux de ce qui semble avoir été le bois d'une poutre. Il y avait un départ d'escalier et en haut une chambrette. Les premiers travaux de restauration qui ont été entrepris reposent donc sur des bases scientifiques solides qui ont privilégier les traces anciennes et l’authenticité au spectaculaire. Il a été choisi la prudence et non la précipitation de façon à connaître les spécificités urbanistiques, spatiales, d’ambiance du Ksar, bien comprendre les procédés et les typologies des espaces locaux avant de commencer à les sauvegarder. Sans la curiosité et l'intelligence à l'œuvre des maalmines, nous ne serions pas arrivés à ce beau résultat.