Mon premier livre "Art et architectures berbères" est réédité au Maroc et en France. Sorti en décembre 2001, il était épuisé depuis 2003. 8 ans après, la prise de conscience de la spécificité de l'art amazigh fait son chemin. Cependant, le plus souvent l'art amazigh est avant tout considéré comme un décor qui pourrait être plaqué sur tout un ensemble de support pour donner une dimension ethnique, locale. Le maalem Jilali Bourich à qui j'avais dédié deux pages dans ce livre, l'a utilisé comme carte de visite et a déployé tout son talent dans de multiples chantiers diffusant le style Skouri de Marrakech à Midelt en passant par Zagora. Par contre, les maalmines plus âgés comme Mbark de Tazenakht nous ont quitté laissant le plus souvent dans les mains de leurs fils la tradition des bois polychromes.
J'avais mis en exergue la phrase de Jean Genet : "L'agonie de certains monument est encore plus significative que leur heure de gloire. Ils fulgurent avant de s'éteindre." Je suis partagée sur le devenir des dits monuments car si d'un coté, certains sont entretenus voire ont été sauvés d'autres disparaissent irrémédiablement. Bien sûr, il n'est pas question de tout sauver mais de créer des dynamiques, de montrer l'exemple et d'impulser des actions concrètes. Je pense qu'actuellement, il existe une vraie demande sociale. D'une part de multiples associations culturelles militent au quotidien, d'autre part de nombreux habitants sont réellement attachés à ses monuments qui sont autant de repères identitaires.
Je vois de multiples actions certes modestes mais encourageantes. Les festivals culturels se multiplient jusque dans les plus petits bourgs ruraux et à chaque fois un point est fait sur le patrimoine. Les petits musées privés se dotent de collection et s'ouvrent avant tout à un public local et dès qu'ils atteignent une masse d'objets attirent un public national et international.
Par ailleurs, en ayant mené plusieurs chantiers de restauration, de bâtiments profanes ou sacrés, collectifs ou privés, je pense qu'il est possible de créer un mouvement d'ampleur dans tout le sud du pays. Ainsi, le chantier du Ksar Assa qui depuis trois ans occupe presque 50% de mon temps se traduit par des résultats indéniables avec une résonance à l'échelle de toute la région.
Pour conclure, je voudrais dire que l'art et l'architecture amazigh ne sont pas seulement dans la restauration et dans la restitution mais qu'elle constitue aussi la possibilité d'une création nouvelle comme cela a été fait pour le siège de l'IRCAM à Rabat, où de nombreuses équipes d'architectes avaient proposés d'allier modernité et sens pour ne pas maintenir l'amazighité dans un présent ethnographique mais la reconnaître comme partie prenante du Monde contemporain.
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