En ce moment, il fait plus de 50° C. le souffle de chaleur ne s'arrête jamais, les objets sont chauds, les ordinateurs gémissent, les bijoux sont bouillants, on ne dort plus. Sauf dans les demeures de terre, qui sont des bonheurs de fraîcheur, de calme, j'allais écrire de volupté. C'est vrai les murs de kaolin blanc, la rondeur des formes, la douceur des espaces rendent ces demeures extrêmement confortables, vraiment luxueuses. Le vrai luxe, c'est de vivre sans être obligée d'appuyer sur le bouton du climatiseur, d'entendre son affreux vacarme, subir l'artificialité de cet air brassé, subir des chocs thermiques et des migraines, attraper froid. Et en sus, être prisonnier d'un espace étriqué, sans horizon. Fermé.
Bois d'olivier et terre climatisés dans le Souss contre four à cuisson lente des demeures en ciment
Malheureusement, l'ignorance des techniques ancestrales, le besoin de distinction sociale, la bêtise et la couardise, ont rendus les Hommes aveugles. Cet été, un nombre incalculable de maisons en terre sont volontairement détruites au profit de bunker-four à cuisson lente en béton de ciment. Les gens se précipitent, détruisent, jettent, condamnent ces espaces qui ont forcé et forcent l'admiration ailleurs. En Arizona, en Australie, en Autriche, partout on continue - ou on développe à nouveau - les techniques à base de terre crue, tandis que dans ce pays, on recule, on construit des fours pour humains à cuisson lente. Il fait 50° à l'extérieur, 46°C à l'intérieur, sauf au rez de jardin, alors on fait grimper un étage de plus, pour que le four soit moins violent. Puis un étage de plus encore. On installe le climatiseur, on s'enferme dans des caves... en attendant que ça passe. Une vie de rat.
Alors je dis, mais venez chez moi ! Oui, il y a environ 20° C. de différence avec l'extérieur, c'est à peine croyable, une fraîcheur, des petites brises, une douceur. On savoure un thé, sans pouvoir plus quitter les lieux.
Et ce qui rafraîchit le plus un espace est de condamner évidemment les crépis de ciment mis en toute ignorance il y a quelques années pour que ce soit plus "propre", évidemment les dalles concentrant les rayonnement d'un soleil intense, mais aussi les sols. J'ai fait démolir les sols, une couche de ciment de quelques centimètres directement posée sur la terre. Le dess de remplacement à la chaux est posé sur des dalles de pierre, la différence avec les autres espaces non encore démolis est là encore de plusieurs degrés. Le corps se trompe rarement. Et la chaux est l'un des matériaux les plus nobles qui soient.
Lala Fadma Amr, une dame Tiznitia d'un certain âge, me disait hier "- Oui, la différence de température importante que tu perçois entre la ville nouvelle et la médina, est due aux remparts d'abord et ensuite aux maisons de terre, aux ruelles. L'air, rafraîchi par l'ombre circule entre les murs, et vient rafraîchir les ruelles, la chaleur reste à l'extérieur des demeures. Malheureusement, on préfère tout casser. On démolit sans savoir..." Bientôt, la ville ancienne sera aussi chaude que la ville nouvelle. L'ignorance crasse de celui qui croit savoir et qui ne sait pas qu'il ne sait rien. Ça s'appelle mourir à petit feu... perdre son âme, son identité mais aussi son bien-être (même si pour moi c'est un tout) !