En voyant tant de lieux quitter les mains des vrais propriétaires pour un business souvent ravageur, où les opérations commerciales de type riad se déversent dans le Sud, je voudrais évoquer l'admirable démarche de Daniel Oblet, son épouse et la famille propriétaire légitime des Oulad Outhmane du Dra, ainsi qu'il le raconte : "Suite à un séjour touristique au Maroc, influencé par la lecture d'un vos livres sur l'architecture en terre, je me suis décidé en 2006 à créer cette société pour d'abord injecter officiellement des fonds financiers destinés à restaurer la Kasbah Oulad Othmane sans que notre couple n'en devienne propriétaire (elle appartient toujours à la même famille "historique"), l'ouvrir ensuite au public pour lui permettre notamment d'assurer son propre avenir. Par facilité, nous aurions dû en faire musée plutôt qu'un établissement hôtelier".
Mais, il fallait quelques dividendes pour restaurer cette merveille immense, que j'ai visitée plusieurs fois avec la même joie, tant le génie architectural de cette kasbah est admirable.
La restauration commencée en mars 2007 a permis l'ouverture du lieu en maison d'hôtes une année plus tard www.kasbahdumaroc.com.
Le travail de réhabilitation s'est effectué avec les matériaux et les
techniques traditionnelles par des malmines locaux.
Outre la valeur de cette restauration, la sagesse de chacun, ce que j'admire le
plus c'est d'avoir choisi de ne pas en être propriétaire mais juste un passeur,
aider ponctuellement à un sauvetage.
Les baux emphytéotiques, les sociétés à participation égale, les mécénat
directs avec droit de regard, les dotations sur projets, toute pratique que je
fais dès que je le peux, sont, à mon sens importantes pour qu'on évite un
néo-colonialisme rampant, et une porte ouverte à une xénophobie dont il faut se
garder pour ce pays. Mais aussi, pour le monde rural, éviter des phénomènes de gentrification trop importants.
Ayant entendu plusieurs fois, dans le Sud, ces derniers temps, "Nous
allons devenir comme les Palestiniens". Il faut réfléchir à des solutions : la
Turquie interdit la vente directe du patrimoine bâti à des étrangers, En Inde et dans beaucoup d'autres pays, l'Etat exige la constitution de sociétés à participation
et il est interdit aux étrangers d'acheter. La location sur la longue durée est la seule garante de l'absence de dépossession des populations locales. L'endogénisation progressive est la seule solution pour éviter les rejets violents.
Je vois trop de petits malins, achetant à tire-larigot, négociant âprement le
prix, se comporter ensuite d'une façon méprisante et condescendante à l'égard
de leurs nouveaux voisins, sans même se poser la question de l'aide, de la
création de quelque chose en retour, de la mise à profit d'un réseau réellement
solidaire pour pouvoir l'être dans l'échange et non dans le profit à court terme. Il génère une colère sourde qu'il faut savoir écouter et calmer.
Les grandes villes historiques du Royaume, Marrakech, Fès et Tanger sont plus internationales que jamais, l’investissement dans ces grandes villes n'a pas apporté que du négatif et a sauvé de nombreux lieuxdans un premier temps. Mais, comme tout, il faut de la mesure. Il faudrait désormais que cela soit encadré par des lois plus strictes, plus responsables sur la durée. Et que le monde rural soit protégé.
Bien sûr, le désir de nombreux de posséder pour toujours, est plus fort et ils sont déjà prêts à se constituer en un puissant lobby.
Qu'ils se méfient : la propriété ne vaut rien dans une société dépacifiée.