Suite au drame de Meknès, où un minaret Ismaëlien s'est abattu sur les fidèles en prière, faisant à ce jour, 41 morts et 72 blessés (bilan provisoire), certains médias internationaux (Jazira pour ne pas la nommer) ont posé la question de la politique patrimoniale du pays en pointant du doigt un manque. La question de la catastrophe naturelle joue aussi malgré tout. Elle active des situations précaires.
Dans le même temps, humiliés par un drame qu'ils auraient dû éviter dans cette capitale alaouite où le patrimoine est d'une immense valeur, les cadres du ministère des Habous ont électrocuté leurs troupes - ne gèrent-il pas 50 000 mosquées ? -les sommant de faire le bilan de toutes les mosquées du Royaume, avec un budget requis. Comme une armée, les Nidarates de chaque région ont lancé une pseudo-étude où étaient conviés l'autorité, les responsables religieux, les élus, un délégué à la culture esseulé et surtout des "ingénieurs génie civil" dont la mission était de déterminer la fiabilité des bâtiments, sans qu'ils n'aient jamais eu de sensibilisation aux constructions en pisé, si ce n'est comme un mal à détruire ou sans conscience patrimoniale évidemment. Le patrimoine gène, il nécessite trop de réflexion.
J'ai eu à discuter avec certains d'entre eux, démunis face à des pathologies complexes, souvent aggravées par l'usage du ciment ou pire de gros béton, béton armé en fondations rapportées aposteriori et mal ancrées. Ils préconisaient donc la destruction pure et simple de bâtiments ; ils insistaient pour mettre des chaînages de ciment systématique dans la moindre mosquée dont ils avaient aperçu, de loin, depuis le sol, une vague fissure sans même savoir s'il s'agissait de la fissure d'un enduit ou d'une craquelure... Sans regarder si les voûtes étaient en pierre ou en adobe, sans poser aucun témoin en plâtre sans aucun protocole d'analyse justifiant de telles décisions radicales.
Ce n'est pas une question de matériau mais de mise en œuvre et d'entretien. Quand je vois certaines maisons construites en ciment, je suis moi-même effarée, et dans 60 ans, qu'est-ce qu'on fera de ces structures de bidonvilles mal construites ?
Mais pour beaucoup il est plus facile de mettre le doigt sur un matériau cause de tous les maux plutôt que de s'en prendre au manque d'entretien ou aux mauvaises mises en œuvre. Détruire et effacer n'est pas la réponse qu'il faudrait.
Évidemment, bureau de contrôle oblige, comme on ne peut pas être sûr à 100% de ces structures, surtout en une seule visite de quelques minutes, ces ingénieurs qui soudainement recevaient un pouvoir immense, décidèrent que chaque bâtiment visité n'était pas "conforme", usant d'une terminologie de construction Béton armé... Et qui auraient pu les contredire, devant le nombre de morts de Meknès ?
Une autre phase est à venir où seront programmées des destructions en masse du pisé et des reconstructions grossières en béton armé.
La déferlante est activée et ils seront intransigeants, hautes directives royales mal comprises obligent, actuellement dans la région de Tata, d'Aguerd, où il y a des merveilles il est interdit d'aller prier dans les mosquées en terre ! Personnellement, je suis en deuil ; endeuillée de savoir qu'au nom de la sécurité on va précipiter la fin d'augustes constructions.
La première vague vengeresse est désireuse de faire du chiffre, apporter au Roi des chiffres, justifier leurs bilans : tant % de mosquées visitées, tant % de mosquées "dangereuses" à détruire, tant % de mosquées soi-disant restaurées, en fait rénovées vulgairement en ciment sans garder aucune caractéristique véritablement originelle.
Ce sera l'occasion de faire disparaître le maigre patrimoine sacré historique qu'il reste, sous prétexte qu'il est fragile.