Salima Naji

La lente mais sûre disparition d'un patrimoine immense

 
Le petit patrimoine est parfois plus important que le patrimoine monumental, mais c'est aussi le plus fragile.

Beaucoup de mes amis me disent leurs inquiétudes quant au patrimoine, moi-même je sais bien. Je vois des tragédies tous les jours. Jean-François Thomas m'envoie aujourd'hui deux images qui ressemblent à des femmes dont on aurait arraché l'œil ou un morceau du visage.

Nous perdons des merveilles chaque jour, à cause d'abrutis hâtés d'effacer ce qu'ils perçoivent comme une décadence, comme une honte. Et la délicatesse d'une forme héritée du génie du lieu d'un site associée aux capacités de maalmines qui n'auraient totalement perdu le sens du beau, disparaît brutalement alors que cela aurait pu être évité.

Le ministère des Habous a livré son rapport : 167 mosquées vont être détruites pour être "reconstruites". Je n'imagine pas un seul instant que ces bétonneux aient envie de construire en terre ou  en pierre et prennent le temps d'un relevé minutieux pour une restitution fidèle dans les mêmes matériaux, comme cela est ordonné. Alors qu'ils pourraient le faire cependant. La clairvoyance peut-elle leur revenir ?

Clichés 2009 puis 2010, Jean-François Thomas, droits réservés ©.
 

La requalification du centre historique de la ville de Tiznit, présentée à un colloque international à Québec

Voici une dépêche de la MAP sur la présentation de la requalification de la ville de Tiznit à Quebec lors du colloque "les quartiers historiques : pressions, enjeux, actions".

Montréal, 25/05/10- "Faire émerger l'idée d'une requalification de la ville de Tiznit, du projet associatif au projet collectif" a été le thème d'une communication présentée par Mme Salima Naji, anthropologue et architecte marocaine à un colloque international organisé récemment au Québec sur "les quartiers historiques : pressions, enjeux, actions".

Entretien avec Salima Naji, architecte DPLG et docteur en anthropologie : “Ayons confiance en notre culture architecturale et nos techniques locales”

Un entretien réalisé par Idriss Ouchagour paru dans Libération Maroc le mardi 25 mai 2010.

"Salima Naji, jeune architecte, plaide fougueusement  pour le retour à l'usage de la pierre et la terre et les  procédés de constructions traditionnels. En  criant  fort et haut sa «répulsion» pour le tout béton, elle  n'hésite pas à demander qu'une politique patrimoniale soit incessamment initiée pour protéger ce legs des démolitions."

Libé: L'Association d'Idaousmlal vient d'organiser sa première rencontre thématique sur la préservation du  patrimoine bâti rural traditionnel.  Comment réagissez -vous à ce genre d' initiatives ?

Salima Naji : Toute initiative de sensibilisation est  une action louable et je m'en réjouis. Et plus la société civile œuvrera pour prendre en charge son patrimoine et plus nous pourrons sauver des sites et des techniques en déperdition.

Les coupoles d'Assa, des cieux retrouvés

 
  
L'entreprise de Hassan Jerrar à Assa a accompli des merveilles. En réunissant autour de nous les meilleurs maalmines de la région, nous avons remonté les coupoles effondrées, les petits oratoires du cimetière. La terre, l'adobe et des enduits locaux à base de cendres, la chaux pour les liants et les enduits de finitions, la  pierre aussi puisqu'ici il y a une tradition de monter les pendentifs avec de fines lames d'ardoise et du palmier débité en lames. Le résultat est époustouflant.

 
L'état antérieur était extrêmement délabré comme le montrent les photos prises en 2006. Sidi Lahcen Ramouch avait été victime des "chercheurs de trésors" pilleurs de tombes, comme il en existe trop en ces lieux traversés par une histoire de la longue durée. Une coupole détruite remplacée par un gabarit en bois sur une structure de ciment armé, voilà ce que nous héritions au départ... Mais, la force de conviction a été plus forte, et les lieux renaissent rendant à la cité aux "366 saints" son prestige.