Nous voudrions que notre enduit de chaux et de terre réveille les vraies architectures de terre, celles qui ont une âme, qui ont un corps, un ventre, une lumière. Et surtout, qu'il nous fasse oublier les plaques de parpaings mal agencés, laissés bruts : cacher cette misère inexprimable de cette non-architecture qui s'est répandue dans tout le royaume en moins de 10 ans.
Beaucoup des citoyens de la ville nous ont dit apprécier cela : tout à coup, ils ont visualisé à quoi pouvait ressembler leur ville, une fois réhabilitée. Il ne s'agit pas juste d'un enduit, il faut aussi travailler à réhabiliter la ville dans leur coeur. Travailler la représentation - la distinction sociale disait Bourdieu - elle est au coeur des processus d'adhésion ou de refus de ces matériaux jusque-là déconsidérés, soudain anoblis.
Le musée sera déterminant, de même que les opérations en cours de pavement, d'éclairement et de signalétique. Une faute de goût est vite arrivée. Je me souviens au Ksar Assa, le grossier vieil "ingénieur" ("homme d'expérience !"SIC) qui était aveugle et sourd aux notions patrimoniales, sa fierté d'avoir posé de hideuses bordures de ciment dans ce site si beau. Je me souviens aussi de la prompte attitude de la jeune génération, liée pour remplacer ces bordures par des pierres plantées, si fière d'avoir su mettre en valeur le Ksar. Dans ce pays, jusqu'à la dernière minute d'un projet, je crains l'ignoble goût de l'inculte, celui qui n'a jamais voyagé ni visité, ni pris la peine de regarder de belles choses, mais qui a le pouvoir de détruire par un choix mauvais. Je crains toujours, ce moment de fin de chantier où peuvent être posées d'affreuses lampes, une signalétique bling-bling dorée, ou simplement une couleur intense sur un bâtiment... Car tout ce que nous "réglons", nous architectes, est affaire de doigté et de mesure. La sobriété, la simplicité, l'élégance discrète, si difficiles à obtenir, et que certains ne voient tout simplement pas ! Le regard s'éduque et cette éducation fait cruellement défaut.
Même si pour le moment, on est peu nombreux à voir loin, à projeter pour la médina, tout ceci est très encourageant. Mais il faut du temps pour tout et surtout pour atteindre un vrai résultat ou un vrai niveau.