Au moment où s'est éteint la flamboyante Simone veil paraît un numéro consacré aux architectes femmes au Maroc. Femme ET architecte dans la revue Architecture du Maroc (n°75), paraît ce mois-ci un numéro particulièrement flamboyant qui fait écho au cycle de conférences entamé en mars dernier à Casa. L'édito de la directrice Selma Zerhouni, architecte engagée, est très intéressant.
Combien sommes nous en effet, nous qui sommes architectes privées à porter des projets innovants en répondant à des appels d'offre ? Combien sont-elles celles qui prennent le risque de se confronter à la rude concurrence d'un marché très difficile depuis 2011? Combien sont-elles à faire toutes les réunions, les suivis fastidieux sur le chantier, les rapports de force, les choix jusqu'au bout ? Combien sont-elles à défendre jusqu'au bout ses projets pour en garder toute leur singularité tout en prenant le risque financier des délais de paiement (plus de 500 jours actuellement) ? Car une fois un parti pris trouvé, mis au point, travaillé, il faudra le défendre, lors de la rédaction du CPS face à des BET non-choisis par l'architecte, souvent frileux ou réticent à changer de façon de construire, très réticent à changer de matériau. Ceci est un combat qui se joue sur les plans et dans les CPS, CCPTP. Puis au moment de "l'autorisation" où il faut défendre encore. Parfois face à des maîtrises d'ouvrage le combat peut continuer..., soit par ignorance, soit par incompétence, soit à cause de personnalités défaillantes (qui n'aiment pas les femmes. Et certaines femmes détestent travailler avec d'autres femmes...). Ensuite, sur le chantier, il faudra mettre au pas les équipes pour les obliger à ne pas bâtir par défaut mais faire ce qu'il y a sur le plan, voire mieux... Car ce temps du chantier, souvent négligé par une profession dévorée administrativement, est tout aussi fondamental que les étapes précédentes. Il ne faut rien lâcher.
Dans ce chemin de croix cependant, je dirai que nous rencontrons la bienveillance de certains ingénieurs de l'Etat qui permettent de cautionner le projet, des fonctionnaires rares qui acceptent un projet singulier et enfin des entreprises qui jouent le jeu et acceptent les défis. C'est ce qu'il faut retenir : dans un paysage hostile (au Maroc comme dans le reste du monde) on est parfois accompagnée et alors ce travail d'architecte qui est d'abord la conjugaison de diverses volontés engagées dans un résultat commun peut commencer. De petits miracles douloureux mais qui sont là. Sans donner espoir, n'exagérons rien, parfois des miracles ont lieu (comme pour la maternité de Tissint dans la province de Tata).
