C'est avec une très grande joie que j'annonce la publication le 22 novembre 2019 de mon dernier livre
Architectures du bien commun. Pour une éthique de la préservation.
Cet ouvrage vient apporter une réflexion sur près de vingt années de projets et de recherche action.
La collection vuesDensemble Essais offre un espace de réflexion sur l'architecture et l'urbanisme actuel et à venir.
"Défendre une architecture du bien commun signifie interroger l’objet architectural en privilégiant les conditions sociales de son édification, l’usage, l’attachement aux lieux ou encore les pratiques spatiales qui lui sont spécifiques. À ce titre, les communautés de l’Atlas et du Sahara marocains représentent une source d’inspiration pour une réflexion sur la durabilité des constructions contemporaines. Dans les oasis ou encore les greniers collectifs, incarnations du bien commun, c’est le savoir-faire de solidarités historiques qui se manifeste. Témoin de la capacité humaine à constituer un environnement viable malgré des contraintes climatiques extrêmes, l’architecture y est pensée tel un objet intégré à son environnement, où se lient étroitement agriculture et construction autour de la pierre, de la terre et des végétaux les plus résistants.
En s’appuyant sur de multiples expériences de chantier menées au Maroc, et largement relatées dans cet ouvrage, Salima Naji montre qu’il est possible de dépasser la pure esthétique de l’héritage, qui oppose tradition et modernité de façon stérile, afin d’interroger plutôt son capital de résilience: une dynamique constante d’adaptation qu’il faut réactiver pour sortir des logiques globales et nocives, dont l’omniprésence actuelle du béton est l’expression la plus évidente. Comme le travail de l’auteur le prouve, il est possible, en multipliant les projets intégratifs et participatifs, de réinvestir les techniques dites «vernaculaires» en recréant des filières constructives au profit d’un véritable développement soutenable."
Collection: vuesDensemble Essais ISBN: 978-2-940563-59-3 Date de publication : 22.11.2019 Nombre de pages: 240 20 € • 22 CHF
Ce mercredi 13 novembre 2019 à 18h30, au siège de l’Académie du Royaume du Maroc. Salle SAHARA
DANS LE CADRE DE L'EXPOSITION TRESORS D'ISLAM, Cycle de Conférences 2019
من الغذاء إلى التغذية الروحية. شبكات الفضاءات المقدسة باألطلس، إيكودار ) مخازن الحبوب ( و الزوايا ) المساجد و القبور ( روابط في مقدمة الصحراء المغربية.
Dans les économies du peu, suivre les chemins du grain des igudar-s (greniers) aux zawya-s (tombeaux-mosquées) permet de pénétrer au coeur des sociétés de l’Atlas. Les nécessités du quotidien — sauver son corps — et l’obsession du Salut — sauver son âme —, apparaissent liées à un réseau complexe de dons et de contre-dons autour de nombreuses zawya-s et filiales, qui servaient d’entrepôts sûrs aux dîmes annuelles et qui ont perduré avec la «modernité» dans un réseau de solidarité bien visible. Les lieux restent les mêmes, mais l’usage a changé. Ce lieu dans ses fonctions traditionnelles est en conséquence disqualifié et oublié, rendant caduque l’idée d’un « archaïsme vital » décrit, il y a plus de soixante ans. Le collectif se réagrège autour d’un lieu ancien ravivé non plus dans les pratiques autour de la redistribution du grain, mais dans la circulation des mémoires constitutive d’une identité collective à l’oeuvre.
Les greniers collectifs constituent un patrimoine « assez méconnu » qui doit être compris dans ses spécificités, a souligné l’anthropologue et architecte, Salima Naji, qui donnait, mercredi à Rabat, une conférence à l’Académie du Royaume du Maroc.
Mme Naji a, à cette occasion, mis la lumière sur la valeur patrimoniale des greniers collectifs, constructions traditionnelles particulières au Sud marocain, à vocation défensive et de stockage qui abritent les cases de l’ensemble d’une communauté, dont certaines sont encore en activité, alors que la plupart tendent cependant à être abandonnées.
« Si ces greniers collectifs sont toujours en activité, s’ils représentent quelque chose aujourd’hui.. c’est parce qu’ils sont reliés à des systèmes de solidarité et de réseaux de sacrés extrêmement importants », a-t-elle relevé, insistant sur la nécessité de restaurer, dans des règles d’art et avec beaucoup de réserve et de déontologie, ces « lieux sacrés qui constituent le symbole d’une organisation tribale harmonieuse régie par des droits coutumiers » et ce, en développant une démarche qui tient compte du site et du contexte social, historique et touristique.
Dans ce sens, elle a mis l’accent surtout sur les pratiques associées à ces lieux traditionnels. « Quand il s’agit de restaurer un grenier collectif, il faut surtout veiller à ne pas gommer les pratiques des communautés qui y sont associées », a fait observer l’anthropologue.
Au-delà du sauvetage et de la restauration des sites, Mme. Naji a jugé nécessaire de préserver la « beauté et la majesté des greniers et des murs », derrière lesquels il existe non seulement des « usages et des coutumes », mais aussi des textes et des manuscrits à valeur sacrée et qui peuvent donner des leçons d’architecture.
Mme Naji a également passé en revue, avec des photos et vidéos à l’appui, l’ampleur du travail de restitution qu’elle a accompli en collaboration avec plusieurs acteurs étatiques et non-étatiques sur les grands réseaux de Zawyas (tombeaux-mosquées) et Oasis enchâssés dans les Ksars, et qui a permis de « sauver plusieurs sites » et « pénétrer au cœur des sociétés de l’Atlas », grâce notamment aux efforts des maçons auxquels elle a rendu un grand hommage, tout en appelant à « s’occuper un jour de leur statut ».
« Il s’agit d’une restauration impulsée de l’intérieur et orchestrée par les communautés elles-mêmes depuis les maîtres-maçons et ouvriers recrutés sur place jusqu’aux décisions prises de façon collégiale à la Zawya du village », a-t-elle précisé, notant que cette technique de restauration « est la seule méthode viable aujourd’hui pour restaurer les greniers collectifs du Royaume ».
Par ailleurs, Mme Naji a évoqué le patrimoine architectural en péril du Sud du Maroc, plaidant dans ce sillage à son restitution. « La disparition de ce bien commun signifie la fin de toute une civilisation particulière », a-t-elle averti.