Salima Naji

Trois ministres à Assa

Le 26 décembre, trois ministres, M. Karim Ghellab, ministre de l'équipement et des transports, M. Abderrahim Harouchi, ministre du développement social, de la famille et de la solidarité, M. Toufiq Hjira, ministre délégué chargé du logement et de l'urbanisme, sont venus, à Assa, visiter le chantier du Ksar.

A cette occasion, les associations avaient organisé un "ahouach" (danse et chant traditionnels) sur la nouvelle esplanade Ihchach qui doit accueillir le futur théatre de plein air et une "doua" (bénédiction) dans la mosquée Timzgida Ufellah en pleine restauration.

La visite fut un succès, car au-delà des deux cent mètres de murailles, du borj et des deux mosquées, c'est toute une communauté en mouvement autour de son patrimoine qui s'est mobilisée.

Pour moi, cela me permet de faire le bilan sur un an, presque jour pour jour, de travail sur le ksar, car c'est à cette même période en 2005, que j'ai entrepris les premières études préliminaires à la demande de M. Hajji. Depuis, le projet est une réussite, car avec un budget modeste servant essentiellement à rémunérer dignement les ouvriers qui ont fourni de façon cumulée plus de 7000 journées de travail, nous avons réussi à sortir le Ksar de la ruine et surtout à dynamiser toute la société civile. Désormais, nous devons mettre à profit l'année 2007 pour faire émerger des projets qui redonneront vie au ksar de façon durable.

Novembre à Assa

La période du mois de Ramadan terminée, le chantier du Ksar d'Assa a repris un rythme plus soutenu. Il est désormais annoncé par de grands panneaux routiers. Une nouvelle équipe est recrutée pour refaire le mur de clôture du cimetière en pisé selon les méthodes traditionnelles.

Le quartier Ihchach commence à prendre forme autour de sa nouvelle porte et de la muraille de plus en plus monumentale. Pierre et pisé sont associés pour recréer les qualités architecturales du ksar.

Le 3 novembre, M. Hajji, le directeur de l'Agence du Sud, a invité M. Wahba Mourad, le nouveau représentant résident du PNUD au Maroc, à visiter le chantier du ksar. Ce fut l'occasion de présenter l'état d'avancement du chantier et d'expliquer la méthode à l'ensemble des élus.

Le projet ksar étant amené à générer des micro-entreprises, il sera soutenu par la maison de l'initiative d'Assa dans le cadre du programme IPED. Les porteurs de projets seront accueillis et appuyés par les coordonnateurs locaux pour monter leur dossier.

Des projets culturels: deux musées ouverts sur le monde pour ne pas laisser l'oubli envahir le Qsar

Les deux projets qui suivent méritent d'être particulièrement distingués par la qualité des porteurs et leur dimension généreuse. En effet, Aydda Lassaoui et la famille Ihchach sont des amoureux de leur territoire et de leur histoire. Ils aiment à venir dans le qsar et sont toujours intéressés par l'évolution du chantier, n'hésitant pas à donner des conseils avisés ou à rappeler des anecdotes historiques. Avec eux, les ruines se mettent à parler pour conter leur époque de grandeur. Or, ces passionnés veulent avant tout donner à comprendre des traditions trop vites oubliées. Ils ont donc décidé, chacun de leur coté, de proposer un projet de musée, mais il n'y a aucune concurrence car dotés de personnalités très différentes, ils proposent deux projets distincts, complémentaires.

Le Musée du palmier

Porteur de projet :  Aydda Laassaoui, Association Ksar Assa

Ecrivain-poète, jardinier-cultivateur de la palmeraie et des âmes

Aydda avec l’association Ksar Assa, ont été les premiers a recueillir toutes sortes d’objets de la vie quotidienne en même temps que des manuscrits anciens. En 1993, ils organisent une grande exposition qui remporte un succès régional et, chaque année, lors de manifestations culturelles diverses, ils donnent à voir leur collection et se font pédagogues pour que la jeune génération n'oublie pas.

Le président Aydda Lassaoui appartient au vieux lignage Ayt Baha U Ali, parmi les premiers à s’être fixés à Assa, il y a plus de sept siècles. La légende familiale illustre la position de neutralité de cette fraction au sein d’Assa, seuls à posséder un cimetière privé où est enterré leur aïeul.

Parce que la maison, lors de son relevé, témoigne de l’économie locale autour de la datte (différents modes de traitement, séchage, stockages, ensilages, confiseries, etc .), base de l’alimentation de jadis, nous proposons d’en faire un musée du palmier. Le projet intègre la collection d’objets déjà constitués et une scénographie de l’espace liée aux dérivés de cet arbre à la symbolique particulière (fécondité). La scénographie s’appuiera donc sur l’existant pour faire « parler » la demeure dans une découverte de ses espaces.

Projet du Musée historique d’Assa

Porteurs de projet : Hussein, Saïd et Bouzid Ihchach, Association Anameur

La demeure se trouve au départ du circuit à côté d’une petite mosquée oratoire et du tombeau du Saint Sidi El Wali ; la famille possède une très belle collection de manuscrits et de wataiyq (archives) qui, dans cette maison et dans ce quartier fortifié, peut être le lieu d’une explication de la fondation d'Assa et de son évolution. Les membres de la famille Ihchach se sont ressoudés autour de l’ancêtre éponyme : Husseine U M’bark Ahchouch. Ils veulent faire de l'antique demeure en terre, un musée et surtout un centre historique. Un des membres de la famille enregistre, filme, questionne tous les doyens, et tous sont passionnés d’histoire familiale. Ensemble, ils veulent redonner vie à cette maison, qui deviendra la gardienne de la mémoire familiale, pour que tous les membres de cette grande famille dispersée à travers le pays puissent retrouver ses origines.

Il désirent nommer la nouvelle porte qui desservira leur quartier du nom de leur ancêtre pour marquer cette refondation ( ils se sont installés au XVII^e J.-C, dans le quartier du haut, effondré en partie mais possédant toujours deux mosquées anciennes).

Développer des projets locaux

« Il faut te dire que voir toutes vos actions, votre présence, voir les maçons œuvrer, sauver ces lieux,  discuter avec les vieux pour retrouver le bâtiment tel qu’il était, a réveillé chez moi mon ancien métier.

« Je viens, je regarde, j’aimerai participer en m’occupant de notre maison. Ce que vous avez fait pour le Ksar c’est grand. C’est un exemple pour nous.

« Ça a réconcilié ceux qui étaient fâchés entre eux dans notre famille. Nous vous en sommes très reconnaissants.»

Hussein Ihchach, ancien maalem, aujourd’hui employé communal, visitant presque chaque jour le chantier

Les habitants du Ksar d’Assa –  même lorsqu’ils habitent la ville nouvelle – sont fortement motivés par l’idée du réveil du Ksar : ce projet patrimonial impulsé par l’Agence du Sud, répond à une double-exigence : donner au Ksar, la possibilité de renaître avec un projet fédérateur, respectueux de l’histoire du lieu, des procédés constructifs et de l’identité locale, tout en pouvant retirer des activités génératrices de revenus. Notre idée a donc été de lancer une première série de travaux de restauration sur les parties communes (remparts, place, ruelles, tours de garde et portes) tout en finalisant les études préliminaires, notamment par le relevés de tous les édifices portés par la volonté d’un particulier (propriétaire).

Les familles propriétaires porteuses de projets sont désireuses de bénéficier d’une requalification de leurs demeures anciennes, tant sur le plan fonctionnel que spatial : elles voudraient pouvoir présenter le Ksar à des touristes curieux, vendre des produits AOC et promouvoir une image contemporaine de la forteresse historique. Tous les porteurs de projets actuellement identifiés et dont le relevé des demeures et les projets sont dessinés, sont organisés en associations, sociétés, ou coopérative d’habitat, ils sont dynamiques et ont commencé à créer les conditions de partenariats multiples.

A chacun de mes séjours sur place, les réunions formelles et informelles se multiplient, les projets s'ébauchent puis se déploient avec une inventivité croissante.

L’ensemble des projet essaie de satisfaire chaque lignage d’Assa en s’appuyant sur l’intérêt des demeures. Bien entendu, nous n’avons pas encore identifié tous les porteurs de projets (Idaw Mellil du haut pour le moment), nous pensons à terme qu’il y aura une centaine de maisons et de porteurs de projets concernés par la requalification d’Assa. Si plus de 100 projets sont donc en cours d’identification, nous espérons lancer une quinzaine de projets à partir de la fin de l'année 2006.

Cette démarche s'inscrit dans une logique participative où l'architecte se met au service de la population et de ses attentes. Ensuite, ensemble, nous essayons de donner une grande cohérence à l'action pour que toutes les activités s'épaulent dans une logique de développement durable intégré. Nous évitons les implants exogènes fragiles sans pour autant oublier le devenir d'Assa. Toute la démarche entreprise, étape par étape, depuis plus de 10 mois, va être organisée par l'Agence du Sud selon une logique d'Agenda 21 pour permettre à la société civile, de plus en plus impliquée, de se doter des outils nécessaires à la gestion sur le long terme de ce projet collectif.

Maëlle Gapihan & Anaïs Aldon, l'Ecole d'architecture de Bordeaux à Assa

Anaïs et Maëlle, étudiantes à l'Ecole d'architecture de Bordeaux, désiraient faire un stage à Assa qu'elles avaient découvert par ce blog en juin dernier. Elles purent finalement avoir une approche patrimoniale du Sud, comme elles le souhaitaient au départ, mais aussi du Nord du pays : Rabat avec d'abord l'étude de la Maison de la Fondation Suzanne Rollin, sous l'égide de François Devalière. Une maison, une histoire, des références, mais aussi des rencontres autour de plusieurs personnalités de la capitale. Casa au banc d'essai et ses multiples demeures art déco. De multiples visites qui permirent surtout de comparer le passé urbanistique et architectural de ces deux villes à l'orée des années 1930. A Fès, elles affûtèrent leur approche des médinas. A Agadir, Coco Polizzi nous accueillit avec chaleur. Et enfin, à Assa, elles purent apprécier l'étendue du Ksar que nous comparâmes à Aouinet Turkoz... Avant de quitter le Maroc, Coco Polizzi les emmena à Essaouira : elles étaient venues par Mirleft, la baie d'Ifni et Plage Blanche, elles repartirent avec des images de Mogador. Des images certes, mais aussi des aquarelles, des dessins et des plans.

Du 8 septembre au 6 octobre 2006, ce stage dans mon agence, hors les murs, fut très formateur aux dires de ces étudiantes, attachantes, sensibles et travailleuses. Elles sont reconnaissantes d'avoir eu ainsi le privilège de cotoyer pendant ces quatre semaines, tant de lieux et de personnalités différentes. L'architecture est d'abord un échange humain.

Les gens d'Assa, comme toujours, nous réservèrent le plus bel accueil, Ramadan donna l'occasion d'être invitées à plusieurs ftours chez nos amis et partenaires dans le projet de réhabilitation du Ksar.

Enfin, ce retour à Assa était surtout pour moi, maintenant que les études préliminaires sont achevées, l'occasion de lancer la troisième phase du chantier. Si les hautes températures de cet été venaient à se prolonger encore (45°!), il est prévu que les maalmines travaillent une partie de la nuit.

Borj Ihchach

Pour les premières restaurations à Assa, une démarche archéologique de restitution a été choisie. Nous avons commencé par le Borj Ihchach. Cette tour de défense du Ksar est placée sur le sommet du piton, elle semble être née de la roche. Nous avons voulu choisir un symbole fort, celui de la cohésion du groupe, pour commencer les premiers travaux. Maintenant que la tour se voit de loin, depuis la ville nouvelle, avec le prolongement par les murailles, chaque habitant d'Assa exprime sa fierté. On en oublie presque que nous sommes partis de presque rien.

La tour Ihchach étant démolie depuis une période relativement ancienne, nous n’avions en effet aucune image pour nous servir de référence à cette tour démontée, ruinée dont il ne restait plus que la base et un amas informe de terre, le pisé des superstructures s'était effondré et avait rempli la tour. Faute de photos d’archives, nous nous sommes appuyés sur le bâti existant, notamment deux exemples de tours encore en relatif bon état, et les ruines trouvées sous la tour effondrée ; l’interprétation des maigres désordres apparents, de même que le tracé ou l’implantation ancienne qui ont été révèlées par les fouilles, nous ont permis d’élaborer, petit à petit, quelques hypothèses. Faute de description puisque les hommes âgés ne se souvenaient pas à quoi elle ressemblait jadis (de mémoire d’homme, la tour aurait toujours été ainsi en partie effondrée, quoi qu’à un niveau de plus). Les souvenirs restaient flous. La restitution semblait difficile. Deux doyens Cheikh Tayeb Lassaoui et Hussein Ihchach Afqir sont venus assister à son édification, ils ont accompagné les maalmines et ont transmis certaines données.

Pourtant une véritable perte des savoir-faire s’est révélée. Il a fallu, entre chaque visite de chantier entre le le 26 février et le 15 avril, reprendre la construction, la démonter trois fois, et repartir pour mieux ajuster et atteindre la simulation que nous voulions. Les procédés anciens sont difficiles à retrouver pour les maalmines, les essais se multiplient avant de comprendre qu’il faut davantage regarder pour bien construire. Le pan de mur, sur un angle, sert de référence. Le chantier est une école, les maalmines s'exercent à faire comme les anciens, le maalem Ba Moh améliore sa technique de semaine en semaine. Il faut exiger beaucoup : sans les pierres de grande taille, on ne pourra monter très haut, les hommes s’y prennent à cinq, à six pour déplacer et surtout hisser les blocs. Le plus délicat reste de monter le pisé sur la base en pierre. Le mur est monté de moellons ébauchés d’assez grande dimension pour les fondations et les murs de soutènement. Tous les angles sont harpés et la pierre est traversante dès que possible. Ensuite, les pierres sont taillées ou ébauchées à des dimensions plus réduites et moins régulières. Le retrait de parement à chaque niveau supérieur est induit par ce mode constructif. Le mortier de terre sert de liant, l’érosion a effacé les joints.

Comme le montrent les images donnant ici quatre étapes, la structure en pierre et des fondations peu profondes ont été dégagées, ainsi que les traces d’une porte, d’un escalier et des morceaux de ce qui semble avoir été le bois d'une poutre. Il y avait un départ d'escalier et en haut une chambrette. Les premiers travaux de restauration qui ont été entrepris reposent donc sur des bases scientifiques solides qui ont privilégier les traces anciennes et l’authenticité au spectaculaire. Il a été choisi la prudence et non la précipitation de façon à connaître les spécificités urbanistiques, spatiales, d’ambiance du Ksar, bien comprendre les procédés et les typologies des espaces locaux avant de commencer à les sauvegarder. Sans la curiosité et l'intelligence à l'œuvre des maalmines, nous ne serions pas arrivés à ce beau résultat.

Dora Ben Ydder, Marion Fournier, Amandine Vallin, Virginie Fromentin, Caroline Devilliers, et Rachida Ouar et Paris-La-Villette

Du 9 au 23 avril, 6 étudiantes diplômables de l’Ecole d’Architecture de Paris-La-Villette et du centre européen PARTIR sont accueillies à Assa pour un stage de relevé et d’approche du patrimoine bâti présaharien. Dora Ben Ydder, Marion Fournier, Amandine Vallin, Virginie Fromentin, Caroline Devilliers, et Rachida Ouar vont m’accompagner pendant presque 15 jours avec passion. L’immersion, totale dans Assa n’est pas facile, mais reste une initiation passionnante : le programme, souvent hélas bousculé par le chantier parallèle et ses aléas, est conçu par rapport à Assa : le parti pris conservatoire, les choix de cette restauration, les enjeux, le choix de la collaboration avec la population locale. 

Programme traité sur le séjour d’avril 2006 :

-          Rencontre avec Idda Lassaoui une maison de « 5 siècles »,  le récit familial et le vécu de cette maison complexe, relevé et choix de l’espace à réhabiliter, un relevé difficile mais intéressant, relevé à la planchette et méthode des diagonales, les choix pour relever, quoi choisir, quoi montrer ?

-          « Introduction à  l’espace oasien, les lois fondamentales, approche locale et tiwizi » Petit cours de Vincent du Pasquier, géomètre expert, impliqué dans de multiples projets respectueux de l’environnement, 50 ans de Maroc et une soif de transmission

-          Assa : une architecture de collecte, procédés pour un matériau vivant

-          Procédés vernaculaires, pierre,  pisé, toub, procédés mixtes

-          Sur le chantier, diagnostic et protocoles de restauration : Dar Rkia et Dar Ihchach

-          Le maalem du Sud, Assa : autoconstruction ou constructions de spécialistes ?

-          Synthèse : la « compétence d’édifier »

-          Requalification du Ksar d’Assa 1 : patrimoine majeur présaharien

-          Requalification du Ksar d’Assa 2 : Atouts, ruines et vestiges, critères de définition

-          Requalification du Ksar d’Assa 3 : un ensemble historique à préserver

-          Requalification du Ksar d’Assa 4 : être au service des habitants

-          Bilan sur les relevés effectuer : invariants et typologies spatiales à Assa

-          Rencontre avec Mme Benmecheri, consultante en écotourisme

-          Rencontre-bilan avec M. Hajji, initiateur du projet, commentaires lumineux de Dora sur les maisons des espaces oasiens, comparaison avec Nefta (Tunisie), autres commentaires de Marion sur un choix touristique judicieux pour Assa, Amandine, comparaison avec Venise, Virginie, etc.

-          Discours final de M. Le Gouverneur sur le « Grand Maghreb » : en accueillant, via Paris, la Tunisie et l’Algérie à Assa (Dora et Rachida), un pont s’établissait entre les pays, belle idée à concrétiser

Il reste à donner, les prochaines fois, les références anthropologiques classiques du Maghreb sur lesquelles je me suis appuyée, l’approche d’Augustin Berque sur l’espace et le milieu, les textes de Fathy et Ravéreau. J’ai regretté de ne pas avoir ces ouvrages sous la main pour les donner à partager et davantage de temps et de disponibilité pour approfondir toutes les questions soulevées.

Le voyage d’études se termine par un tour d’horizon de la région : Taghjisht et Tagmout, palmeraie et maisons, Amtoudi et ses greniers, la route côtière Ba Amran-Sidi Ifni, ancienne ville coloniale espagnole, jusqu’à, pour finir, l’urbanisme d’Agadir après le séisme. Les filles repartent, ce fut intense, je suis épuisée et pourtant quel bonheur ce partage !

Special thanks

Les frères Rah, Hussein et Habib, ont été, comme toujours des anges et ont organisé matériellement les choses, l’air de rien, avec aussi Hassan Jerrar.

M. Hajji, Mme Amar, M. Ben Addou, M. Abdelhak Benamara, M. Hamdi et son fils Hicham, M. Lkharchi, toute la population d’Assa, les 6 associations du Ksar, les Ihchach, Idda et Mohamed Lassaoui, la famille Tasli, ont permis, chacun à son échelle, que cela se fasse le mieux possible.

M. Hervé Filipetti, Fabienne Sebilo et le Centre PARTIR ont construit cet échange riche depuis l’école d’architecture de Paris-La-Villette et j’espère qu’ils seront du prochain voyage.

Assa, un haut lieu d'histoire et de mémoire

Assa est un Qsar historique qui atteste d’au moins une dizaine de siècles de fondation ; il fait donc partie de ce que l’on appelle les ensembles historiques [cf. Critère iv de l’Unesco : « être un exemple éminent d'établissement humain traditionnel, de l'utilisation traditionnelle du territoire représentatif d'une culture (ou de cultures), ou de l'interaction humaine avec l'environnement, spécialement quand celui-ci est devenu vulnérable sous l'impact d'une mutation irréversible »] et dont nous avons défini plus haut le caractère de ses spécificités en tant que qsar historique ; son paysage porte la marque de la civilisation des palmeraies. La mutation irréversible que connaissent les qsours et leurs palmeraies depuis une cinquantaine d’années les place dans une position de grande vulnérabilité. Le Qsar d’Assa a la particularité d’avoir été protégé par les évolutions du fait de l’extension relativement éloignée de la nouvelle ville.

La conservation du patrimoine construit constitue un conservatoire  de procédés de construction spécialisés ou de technologies traditionnelles, dont l’ingéniosité mérite une reconnaissance et une protection. Cette reconnaissance est d’ailleurs souvent indispensable pour assurer la pérennité des édifices ou des aménagements de l’espace hérités du passé et « dont l’adéquation aux besoins climatiques et économiques est le fruit d’une tradition séculaire ». Les procédés qu’ils abritent en ses murs dans leurs richesses prouvent l’intensité des relations que le Qsar a toujours entretenues entre l’Afrique et l’Orient. L’architecture maure de pierre et l’architecture de terre crue très proche de Tombouctou, Gao ou Djenné montre que ce Qsar fut aussi le lieu d’échanges incessants par le commerce saharien, à travers la construction mais aussi la religion.

La cité sacrée saharienne d’Assa a permis de diffuser l’instruction et la pensée islamique. Patrimoine religieux habité, il témoigne d’un échange d’influences considérables par les siens, les Tekna poètes, berbérophones et arabophones, nomades et sédentaires. [cf. Critère v de l’Unesco : « témoigner d'un échange d'influences considérable pendant une période donnée ou dans une aire culturelle déterminée, sur le développement de l'architecture ou de la technologie, des arts monumentaux, de la planification des villes ou de la création de paysages»] Se pose à travers Assa et ses manifestations religieuses, la question de la conservation d’un sacré spécifique et du tourisme religieux.

Assa, appartient ainsi à la catégorie des Lieux de mémoire, à forte charge symbolique et sacrée [cf. Critère vi de l’Unesco : «être directement ou matériellement associé à des événements ou des traditions vivantes, des idées, des croyances ou des œuvres artistiques et littéraires ayant une signification universelle exceptionnelle »], le Qsar sacré d’Assa est porteur de valeurs immatérielles : il est un lieu de pèlerinage depuis des siècles et le nombre de sépultures et de lieux de dévotion crée un ensemble remarquable.

Du ciment dans le Qsar, non !!!

De retour d'Assa.

Nous avons eu très peur avec les 5 associations partenaires que soit construite la maison du fqih, en face de la zawya déjà défigurée... ils voulaient la faire édifier en béton de ciment : le CPS n'existe pas en pisé. J'ai du donc négocier avec le technicien de la commune et l'entrepreneur. Stratégiquement, j'ai rappelé le dernier discours de Sa Majesté aux architectes, sur l'importance des procédés et des techniques traditionnelles, et du respect des spécificités locales. Nous avons longuement discuté : il faut éviter que soit construite quoi que ce soit en ciment dans le qsar. Il fait très chaud et il est impossible de dormir dans ces étuves de ciment, c'est insupportable mais là encore, ils veulent du ciment pour faire moderne.

Le fqih s'oppose catégoriquement au pisé malgré la proposition d'un entrepreneur qui espérait gagner le marché au moins disant... Ils m'ont proposé de tout recouvrir de pierre ou de terre ! Il n'en est pas question. Leur plan évidemment ne respecte pas l'urbanisme du qsar : la construction se serait détachée des murs et aurait empiété sur une place destinée jadis aux ahwashs. Il ne faut pas nier l'histoire des lieux. Alors en dernier argument, j'ai insisté sur le fait que les associations et les populations du qsar n'ont plus que leur patrimoine comme ressource potentielle. Veulent-ils les empêcher de sortir de la misère?

J'ai donc proposé qu'ils achètent une maison dans le qsar et qu'elle soit réhabilitée. Ce sera bien moins onéreux que le devis sur lequel ils se sont entendus. Avec la diférence, ils peuvent acheter des ordinateurs pour la zawya ou autre. Tout le monde a compris ou a fait semblant de comprendre. Une maison est d'ailleurs à vendre. Si les personnes restent raisonnables, ce serait la meilleure solution. La maison du fqih deviendrait un exemple de réhabilitation.

J'espère qu'ils ne profiteront pas bêtement de cet été pour faire la bêtise d'édifier quand même un nouveau monstre en béton de ciment. Pourtant j'en suis presque sûre...

Réhabiliter le Qsar Assa

Depuis décembre 2005, la réhabilitation du Qsar d'Assa m'a été confiée par l'Agence du Sud.

Ce qsar, port saharien, zaouïa, cité sainte, est aujourd'hui menacé par la ruine. La richesse de son histoire s'est accumulée en autant de strates architecturales qui s'étendent des bords de l'oued au sommet du promontoire. D'abord terre et galet, il devient pierre et schiste au fur et à mesure de l'ascension. Architecture de collecte, il expose la diversité des techniques de construction du grand sud marocain en une majestueuse leçon.

L'intervention fine et complexe est une perpétuelle construction élaborée avec les multiples acteurs, propriétaires, associations, commune, province, Etat. Le projet n'est pas seulement culturel, il se doit d'être un vaste projet de développement dans l'esprit de l'agenda 21.