
Splendide exposition, happée d'abord par le parfum de cèdre dès l'extérieur, puis les éclats de son qui nous plongent effectivement instantanément dans les profondeurs de l'Atlas, ensuite, les voix de femmes, touchantes, prendront le relais et nous accompagneront jusqu'au bout, par des chants immémoriaux. Premières images frappantes, voix lointaines et bruits familiers, et, en contrepoint, le tableau à la fibule de Majorelle, vers lequel l'exposition reviendra, en écho, ensuite à plusieurs reprises, avec les parures et les drapés. N'est-il pas celui qui mit à l'honneur ce patrimoine par la figure de la Kasbah dont il forma un groupe dès 1930 tout en grimpant dans les hautes vallées pour s'approprier les motifs à peindre.
Un pur bonheur de découvrir ainsi ces écrins préparés pour recevoir les artefacts de culture berbère où l'on a le sentiment de lever un voile, puis un autre, et de ne pas avoir terminé, sans doute du fait d'un cheminement non rectiligne qui nous transporte dans un mystère, immense. La traversée vers les bijoux où les jeux du noir, de l'argent ou des pierres précieuses créent une entité à part, avec le ciel étoilé au-dessus de nous : tout semble flotter en apesanteur. C’est l’un des moments forts de cette exposition.
Les tableaux de tapis, façon très neuve de rappeler le tissage dans son esthétique plus que dans un usage (qui se perd), les mannequins, des objets plus surprenants d'outillage ornés, pièces rarissimes, la finesse des tissages, les objets très graphiques, plus loin les poteries, ventres matriciels, le mihrab, on reconstruit ensuite par les petits films documentaires et l’on complète sa découverte de façon subtile, délicate, élégantissime en un temps qui restera comme un privilège. Celui de pouvoir découvrir la culture berbère par des chocs esthétiques. Besancenot avec ses images cultes, une période plus récente de la fabrication des bijoux, les daguérréotypes, tout ceci dans un ordre mesuré, soupesé, a permis de recréer par différents supports mettant tous nos sens en éveil, une atmosphère, un voyage.
L'exposition de M. Bergé contribue à restituer à cette partie si fondamentale de notre culture, sa place. Le regard porté est généreux, anoblissant l’image d’une culture souvent dépréciée. On découvre des éclats de paysages actuels, de vieux daguérréotypes des années 1927 de l'Anti-Atlas, et les pièces de la collection sont admirables de beauté, évidemment. Ce musée est une merveille qui suspend le sablier du temps, un instant : celui de la visite dans ce qui est déjà un sanctuaire !
Marrakech a son Musée berbère, au cœur du Jardin Majorelle. Une première dont l'inauguration officielle se tiendra le 3 décembre prochain.
Pierre Bergé, grand défendeur du Maroc et de ses arts, avait en effet à coeur depuis de longues années la création d’un musée dédié à l’art berbère afin notamment « de restaurer cette identité et le berceau de cet art ».« Depuis mon arrivée à Marrakech en 1966, explique-t-il, je n’ai cessé d’être fasciné par la culture et l’art berbères. Au cours des années, j’ai collectionné, admiré cet art qui s’étend sur plusieurs pays à la fois. À juste titre, les Berbères ont toujours été fiers de leur culture, qu’ils n’ont cessé de revendiquer malgré les vicissitudes qu’ils rencontraient. À Marrakech, pays berbère, dans le Jardin Majorelle créé par un artiste qui a peint tant de scènes, d’hommes et de femmes berbères, c’est naturellement que l’idée de ce Musée s’est imposée. C’est avec plaisir et fierté que nous l’ouvrons au public pour lui faire partager notre enthousiasme et l’emmener sur les traces d’une culture toujours vivante », souligne Pierre Bergé. C'est exactement ce qui se déroule sous nos yeux au Pavillon bleu. Pour la première fois au Maroc, ce musée présentera exclusivement une collection d’objets berbères provenant de diverses régions du Maroc, du Rif jusqu’au Sahara.
La rénovation du Musée ainsi que la scénographie ont été réalisées par Christophe Martin, architecte français, qui a aussi conçu la présentation de l’exposition Yves Saint Laurent et le Maroc, qui a attiré plus de 65 000 visiteurs. À ses côtés, Björn Dahlström, muséologue français, a conçu le projet muséal.
Situé au cœur du Jardin Majorelle, l’ancien musée d’art islamique a été entièrement rénové pour devenir le Musée berbère et abriter cette collection d’art berbère dans des conditions de présentation et de conservation conformes aux normes muséographiques internationales. Sur une surface d’exposition de 200 m2, le Musée présentera plus de 600 objets, en un panorama exhaustif sur la culture berbère au Maroc. Quatre salles thématiques présenteront une introduction au monde berbère : « Les Imazighen ou Berbères sont les habitants de l’Afrique du Nord, dont ils forment le fondement. Objet de mythes, de légendes et d’histoires, leur origine remonte aux Protoméditerranéens il y a plus de 9 000 ans. Ce qui fait leur unité, c’est avant tout leur langue et leur diversité culturelle, qu’ils ont entretenues, à l’image de leur terre, à la fois africaine et méditerranéenne », explique Ahmed Skounti à Fouzia Maarouf pour Les échos-Le Soir.
L’équipe scientifique qui a accompagné la conception du musée est composé de Salima Naji, architecte et docteure en anthropologie (EHESS Paris) qui silonne le pays depuis 1993, comme en témoignent ses ouvrages ; Romain Simenel, ethnologue, chercheur à l'IRD à Rabat ; Ahmed Skounti, anthropologue à l’Institut national des sciences de l’archéologie et du patrimoine détaché à Marrakech, ancien directeur du centre des gravures rupestres et expert Unesco.
http://www.lesoir-echos.com/un-musee-berbere
Téléchargement Salima Naji 2001-2011 Biobibliographie 5 ouvrages