Film de Mehdi Benssid, réalisation et montage
Direction artistique : Karim Belbachir
Cadrage : Nizar Laajali et Mehdi Benssid
Académie du Royaume © 2016.
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Figures héroïques pourquoi ? Parce que dans un monde cruel sans reconnaissance, à la solvabilité aléatoire, aux efforts de chaque jour, mes maalmines ont opposé leur force créatrice. Et ils se sont posés 1000 questions pour résoudre des soucis techniques et physiques tout en portant un regard amoureux sur les techniques dites anciennes (si disqualifiées). C'est vrai que nos chantiers nous emmènent loin et que, êtres sensibles, ils voient. Ils enregistrent.
"-Tu sais madame, ce qu'on va faire, cette fois-ci ? C'est comme à Tiskmoudine, on va utiliser le fil et refaire le même écart avec le bois. Comme le compas..."
"- Mais oui exactement, l'écart des arcs était très serré, vous avez raison !"
Et moi je les admire, de ne pas avoir oublié, ce que nous les doctes nous appelons le champ de références. Si important à mes yeux. Avec le maalem Brahim, je parle peu. On se comprend au premier tracé sur le sol. Hier je n'avais pas de voix, à cause de la grippe, j'ai dessiné, avec u bâton dans la terre humide, j'ai placé les petites pierres, on a fait des testes d'équilibriste. J'ai vu son regard d'illuminer, aujourd'hui je lui ai souri dès que je suis arrivée, on s'était en effet parfaitement compris. Parce que c'est très important de parler le même langage. Le nôtre c'est l'amour de ces formes issues du geste de la main. Parce que maintenant ils ont la maturité, ils ont travaillé - avec moi sur tant de chantiers. Et surtout ils savent que je ne me fais pas d'argent sur leur dos. Au contraire, en cas de problème j'assure leur salaire, le minimum. Et tout ceci cela construit des liens solides. (Mais pourtant, j'évolue dans un monde d'une cruauté redoutable...) Alors maintenant, on opère dans un champ de lieux connus, qu'ils aiment et qu'ils ont sauvés, par leurs mains. Mais en faisant cela, ils se sont appropriés ces lieux où ils auront passé un temps infini.
Souvent je montre à des personnes censées avoir Bac+3 Bac+5 en ayant le sentiment du disque dur effacé : je ne sais pas ce qu'ils voient. Ce que je sais c'est que mon regard est toujours surnourri, je vois des strates de références qui font sens. C'st d'ailleurs l'un de mes modes de fonctionnement. Je me souviens d'un gouverneur demandant à un khalifa de lui expliquer chaque étape d'une de mes restauration avant la visite d'un puissant : le pauvre gouverneur ne voyait pas de différence entre un vieux mur de quelques siècles et les parties restaurées. Le khalifa homme de terrain avait tout senti, vu et compris. Mais comment aurait-il pu en quelques dizaines de minutes ce qui finalement s'apprend sur la durée ? Ce qui se cultive. Ce qui nécessite écoute, bienveillance et aussi risque. La sensibilité, moins on en a, plus on réussit dans certaines arcanes... enfin si on peut parler de réussites...
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Tout ceci s'est construit au fil des années, un rapport humain basé sur la confiance. Et ce qui ne peut avoir lieu avec des instrumentalisations, comme c'est trop souvent le cas dans les chantiers. C'est tout le drame de ce pays. Les savoir faire disparaîtront si l'on n'institue pas rapidement un vrai respect de l'artisan.
Ce qui m'enchante depuis des semaines est la capacité du maalem de prendre son autonomie et de se surpasser d'un jour à l'autre. Les objectifs, on en a longuement parlé ensemble, et tous ont des souvenirs de ces lieux magiques qui forcent l'admiration de tous, les anciennes mosquées. Alors nous reconstruisons et réapprenons les modes constructifs des arches. Chacun sait donc sur le chantier qu'il faut sauver cette mémoire de formes qui se meurt - essentiellement les anciennes mosquées rasées à coup de budgets neufs, trop importants, budgets de remplacement, les plans ne veulent plus rien dire... Vouloir cette dignité dans le faire, ce n'est pas de la nostalgie, non. C'est du bon sens et de l’éthique au quotidien...
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Quant on assiste à des tragédies humaines de ce type, où la dignité humaine est balayée et où le patrimoine vole en éclat, on bénit les cieux épargnés de ces atrocités. On bénit la stabilité de notre royaume, la sagesse qui prévaut, les belles choses qui s'y construisent. Lorsqu'on voit dans quel état est la Mosquée des Omeyyades d'Alep, on imagine l'état des civils.
Rares sont les personnes cependant qui comme moi, font le lien entre de la petite corruption et ce type de tragédies. En observant ceux qui volent sans vergogne ici sur les projets, alors qu'ils ont des salaires - souvent très acceptables, surtout au regard de ce qu'ils produisent pour la société - et qui se permettent de prendre à tous les niveaux de leur hiérarchie, je suis écœurée. Savent ils qu'ils scient la branche sur laquelle ils sont assis ? Que feront-ils de leurs belles villas, leurs 40 000 salons, leurs jacuzzis et autres gadgets si par malheur nous plongions nous aussi dans le chaos ? J'ai envie de dire : "Chers corrompus, arrêtez, freinez votre appétit, laissez les projets de qualité se faire, arrêtez de passer de petits accords, laissez les personnes de bonne volonté travailler !"
A chaque fois que je suis écartée d'un projet, je sais bien pourquoi. Parce que je ne laisse pas ces petits arrangements entre amis se faire. Parce que je pense au bien commun, parce que je sais que le cadre de vie est essentiel pour construire une conduite sociale. Il y a des moments où on est fatigué, fatigué de lutter, fatigué de défendre des projets de qualité, fatigué de lutter à contre-courant. A vrai dire, j'ai honte pour eux qui trouvent normal de voler, d'acheter des contrats, de graisser les pattes, d'alimenter des circuits de clientélisme comme certains ténors de certains ministères ou de certaines villes. Pourtant, un beau matin, l'impunité n'est plus possible... Elle grève par trop l'avenir de nos sociétés.
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La richesse est entre le mains des Hommes. Sentir la fierté de mes maalmines qui se sont surpassés en montant des arches en pierre sèche, puis en pierre et mortier et demain en terre, est un bonheur en soi. Leur immense satisfaction - leur récompense - lorsqu'ils retirent les gabarits de bois ou de terre. Et je pense à tous mes anciens projets où je luttais des semaines durant pour obtenir ces sauts qualitatifs... Il faut 5 à 10 ans au final pour être en mesure d'obtenir ces résultats. On ne le sait pas à l'avance, mais c'est ce qui explique que très peu de personnes le fassent...
NOTA : Il faut, lorsque l'on regarde ce travail, essayer d'oublier les affreux poteaux en béton armé imposés par les bureaux d'études (BET). Surdimensionnés et inutiles ces poteaux en ciment portland sont superfétatoires certes au regard du travail mais non aux yeux d'une législation inconsciente, l'architecte doit s'incliner devant ces misérables solutions de BET. L'opposition entre l'intelligence constructive de l'architecture dite traditionnelle et l'indigence de l'architecture dite conventionnelle est ici criante...
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La porte d'entrée, bouche tout en longueur, fait référence aux portes de la région en saillie. Elle prépare l'accueil en un rafraîchissement premier permis par la largeur des murs, la hauteur assez basse sous plafond et l'épaisseur du matériau terre. Elle débouche sur une petite salle d'attente de forme organique circulaire, aux lignes douces, sorte de matrice toute en rondeur, perceptible depuis l'extérieur. Les espaces d'administration sont situés autour de la porte d'entrée, créant une limite symbolique entre ces espaces d'administration et les espaces d'accouchement ou de convalescence pour protéger les patientes autour de l'heureuse naissance.
Tout a été conçu pour être dans un espace du soin à donner à l'accouchée, pour bénéficier, à côté des salles plus cliniques et lisses destinées à l'accouchement, de salles réservée à la récupération. La terre réputée bénéfique à la récupération de la fatigue nerveuse a été choisie pour sa douceur mais aussi pour la fraîcheur consentie par ce matériau et le dispositif climatique qui prédisposent à une belle utilisation de ce dernier espace ventilé qui accusait 27° C, cet été lorsqu'il faisait 42°C à l'extérieur...
J'y reviendrai, les murs ont beaucoup de douceur au toucher et il paraît que les visites se font nombreuses en ce moment de finitions...
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البناء في الواحات التفكير في البيئة المستدامة
ⵍⴱⵏⵉ ⵖ ⵜⵎⴷⵉⵡⵉⵏ ⴰⵙⵡⵉⵏⴳⵎ ⵖ ⵜⵡⵏⵏⴰⵟⵟ ⵜⴰⵙⵓⵍⴰⵏⵜ
Construire dans les oasis : Penser la durabilité environnementale
http://bioclimaroc.ma/leco-construction-dans-le-sud-du-maroc-le-film/
تشكل المجالات الواحية، باعتبار بعدها الرمزي الكبير، مواضع للتفكير حول إرث وحاضر ومستقبل المجتمعات الانسانية. إنها تشهد على قدرة الإنسان رغم الإكراهات المناخية القاسية على إنشاء بيئة قابلة للحياة والعيش لقرون طويلة. وترتبط، بداخلها الفلاحة والبناء بعلاقات متينة تشكلت حول الحجر والتراب و النخيل مما يجعلها مصدرا للإلهام من أجل التفكير حول استدامة المنشآت الحديثة.
Les espaces oasiens du fait de leur dimension hautement symbolique constituent des lieux de réflexion sur l’héritage, le présent et le futur des sociétés humaines. Ils attestent de la capacité des hommes à constituer un environnement viable et vivable durant des siècles malgré les contraintes climatiques extrêmes. Agriculture et construction y sont étroitement liées autour de la pierre, de la terre, du palmier. Ils sont donc une source d’inspiration pour réfléchir à la durabilité des constructions contemporaines.
فهم التأقلم لدى المجتمعات القديمة للتفكير في التكيف مستقبلا
ⴰⵙⵙⴼⵀⵎ ⵏ ⵜⵏⵣⴱⴰⵢⵜ ⵏ ⵜⵉⵎⵜⵜⵉⵡⵉⵏ ⵜⵉⵇⴱⵓⵔⵉⵏ ⴼⴰⴷ ⴰⵏⵙⵙⴼⵔⴽ ⴼ ⵜⵎⵛⵓⵛⴽⴰ ⵖ ⵉⵎⴰⵍ
Comprendre la résilience des sociétés passées pour penser l’adaptation au futur
En zone verte, au stand de l'Académie du Royaume, des casques 360° sont à disposition des visiteurs pour une immersion totale. Afin de rendre compréhensible à tous, par la médiation d'outils technologiques à la pointe, la valeur des technologies ancestrales issues de la terre crue et de la pierre et de montrer ainsi la résilience de l'architecture vernaculaire, sans faire de scission entre "contemporaneité" et passé.
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Balises: COP22
Dans le cadre de la COP 22 en 2016, présentation des techniques d'éco-construction sur les chantiers de Tiznit, Ayt Ouabelli et de Tissint mais aussi de la restauration d'Amtoudi.
Comment la question de la durabilité est coeur de la production architecturale contemporaine.
Sous-titré en anglais.
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Video des projets mis à l'honneur dans la cadre de la COP 22 en novembre 2016.
Des images de Tiznit, Amtoudi, Tiskmoudine et Ayt Ouabelli.
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En attendant, l'annonce du webdocumentaire, la borne interactive, etc. au pavillon de l'ARM, je participerai le 06.11.2016 de 16H à 18H à la FST de Marrakech à une table ronde autour de Projets concrets d’habitat résilient face au changement climatique, l'occasion d'évoquer finalement 20 ans d'implication dans ce Sud marocain qui m'est si cher. La terre bien sûr, y sera à l'honneur comme une évidence, mais aussi la pierre.
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Organisés par Felwine Sarr et Achille Mbembe du 28 au 31 octobre à Dakar et à Saint-Louis, les Ateliers de la pensée ambitionnent de fonder un nouvel humanisme décentré de l’Europe.
Lire aussi : « L’avenir du monde se joue en Afrique »
Pour cela, il lui faut rompre avec une certaine approche occidentale, profondément ancrée en elle et que l’on retrouve dans les universités du continent, qui se révèle peu émancipatrice. Un « impératif transgressif », pour reprendre le titre du dernier recueil (L’Arche Editeur) de conférences de la romancière native de Douala, Léonora Miano. Un impératif que ne dénierait pas l’historien et politologue camerounais Achille Mbembe qui, avec Politiques de l’inimitié (éd. La Découverte), exhorte à travailler de l’intérieur nos modèles politiques à une époque où les démocraties libérales sont tentées d’exercer « la dictature contre elles-mêmes ».
http://www.lemonde.fr/afrique/article/2016/10/28/les-dix-penseurs-africains-qui-veulent-achever-l-emancipation-du-continent_5021853_3212.html
Voir mon billet au 29 mai 2016
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L'un de nos trois ânes est mort d'épuisement cette nuit. Hélas. Depuis août, ils faisaient des rotations journalières pour amener l'eau, la terre, le sable. La chaux qui était venue à manquer aussi... Ces restaurations sont difficiles, longues, exigeantes. Si importantes pourtant. Le fond alloué en 2015 était dépassé depuis mars, j'ai complété de 20%. C'est ainsi, il fallait finir, sauver, maintenant pas quand c'est trop tard. Pendant ce temps là, la mairie a construit une place inutile, immense avec 250 lampadaires, au milieu de nulle part, loin du village, à côté du camping. Gabegie. On connait la musique. Ceci ne peut développer un lieu, ni développer l'idée de s'entraider, de construire des projets communs. Restaurer entre deux périodes électorales, les municipales, puis les législatives, a été une gageure...
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